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Travailler au Qatar en tant que femme (from Doha with…#3)

J’aurais du préciser « en tant qu’épouse de son mari ». En effet, le fait d’être une femme en soi ne pose aucun problème ici pour commencer ou continuer une carrière.

Les problèmes commencent quand on se présente comme candidate à un contrat dit « local ». Autrement dit, notre employeur ne viendra pas nous débaucher à l’étranger en nous offrant un package alléchant en échange de son sponsoring. Non puisque nous sommes déjà sur place et sous le sponsorship de notre mari. Ici tout le monde a besoin d’un sponsor, sorte de garant.

Quand votre employeur est votre sponsor il vous pique parfois votre passeport même si la loi l’interdit, il détient un droit de véto sur vos entrées et sorties du territoire. C’est donc une bonne chose de garder un mari comme sponsor, lui, n’ayant pas le pouvoir droit de nous empêcher de quitter le Qatar. Il reçoit tout au plus un SMS le prévenant de votre échappée une fois franchie l’immigration de l’aéroport (oui je sais ça fiche quand même un coup aux droits de la femme). Je me suis toujours demandée d’ailleurs ce qu’il se passait s’il répondait au texto par un: NOoooooooooo! Soit.

Les employeurs savent donc qu’une masse de femmes errent dans l’espoir de décrocher un poste dans leur domaine. Suivre son mari à l’étranger ne signifie pas pour autant mettre son diplôme et ses aspirations professionnelles à la poubelle. Des groupes existent, ayant pour mission de booster la recherche d’emploi (Le Doha French Speaking Professional Network ou le Qatar Women Professional’s Network). Ici c’est le contact et le réseautage qui fonctionnent. Les employeurs en quête de compétences ciblées proposent néanmoins des salaires minables allant du simple au double comparé aux autres femmes venant de plus loin pour le même poste. La liberté de mouvement a un prix. Notre statut surtout (entre d’autres facteurs) détermine donc notre barème salarial.

Vous ajoutez à cela 1 et puis 2 enfants et c’est la cerise sur le gâteau. Trois quart du petit salaire gagné à la sueur de vos pourtant bonnes compétences professionnelles passera dans le règlement de la crèche. Femmes d’expat, nous ne travaillons pas pour l’argent. C’est bien connu, il nous faut une occupation. Pourtant comme tout le monde nous y avons droit. Ce rapport au salaire dénature à mon sens la notion de travail et participe d’emblée à un processus de dévalorisation.

Pour la suite de l’histoire, les enfants grandissent et le tarif double à l’entrée à l’école. Non contentes de nous prendre un bras pour scolariser nos bambins, les écoles proposent des horaires ultra minimalistes (8-13h, non mais ho?). Le temps partiel se faisant rare à Doha, l’école de vos enfants enterre définitivement votre semblant de carrière. Cette carrière que vous embrassiez tout au plus pour vous offrir un coiffeur sans utiliser le compte commun et avoir une illusion d’indépendance financière. Une carrière ou plutôt un job pour que cette expérience d’expatriation ne creuse pas trou, que dis-je un cratère dans votre curriculum vitae.

La plupart des mamans que l’on croise au parc ont baissé les bras. Certaines sont tout à fait heureuses de pouvoir se poser avec les enfants, prendre un break. C’est vrai ça n’a pas de prix. Mais que faire à Doha si on refuse la vie de maman au foyer?

Se reconvertir. Aller puiser au plus profond de nos expériences pro pour tenter d’en extraire de petites étincelles et qui sait, peut-être allumer un nouveau feu. Un nouveau défi. Le contrat local a cela de positif qu’il ne place pas dans des cases en fonction d’un diplôme, il ouvre les horizons. Tout n’est pas négatif, j’ai pu obtenir des postes très chouettes et enrichissant que je n’aurais jamais eu en Belgique car en dehors de mon secteur d’activité. J’en ai vu également défier le système administratif très lourd, sortir de leur zone de confort et monter leur petite entreprise: se lancer professionnellement dans la création de bijoux, ouvrir une crèche, proposer un service d’impression d’étiquettes personnalisées.

C’est sans doute ça aussi l’expatriation. S’adapter, se réinventer en puisant dans nos propres ressources en prenant part au contexte. Aujourd’hui au lycée, elles étaient infirmière en France, professeure de droit en Tunisie, pharmacienne à Alger, et elles se sont réunies pour envisager ensemble le métier d’enseignante. La pédagogie pour la plupart, elles n’y connaissent pas grand chose mais la motivation est là, l’envie de donner un sens à cette expérience à l’étranger, de se rattacher à un fil conducteur professionnel. Et dans tout ça, il y avait déjà de belles étincelles.

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From Doha with…#1

From Doha with…#2

22 réflexions au sujet de « Travailler au Qatar en tant que femme (from Doha with…#3) »

  1. C’est très intéressant ce que tu écris. J’ai travaillé en Tunisie et je devais négocier cinq fois plus pour obtenir ce que je voulais. Mais c’est une excellente expérience que de vivre à l’étranger et on regarde la politique internationale sous un nouveau jour.

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    1. Oui c’est vrai que l’expérience globale de la vie à l’étranger est enrichissante, il faut reconstruire une vie en tenant compte d’une identité culturelle locale qui ici est très forte. Mais on apprend aussi à se mettre dans les « pantoufles » d’autres et c’est ce qui est intéressant.

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  2. Bonjour. .merci de nous faire partager ton expérience de femme mariée expatriée dans ce pays qui, a nous dans l’ensemble, ne paraît pas te es « ouvert  » aux femmes!
    Certes, certains emplois sous rémunérés semblent insuffisants et injustes au regard du travail effectué, et des contraintes liées à la garde des enfants, mais de par ton expérience tu peux aider des personnes nouvellement installées la base a ne pas se tromper ou se leurrer… Enfin le fait de pouvoir exercer un métier très différent de ton expérience passée peut-être une excellente chose..découvrir un autre monde professionnel et une plus values sur ton CV…
    Pour ce qui est des SMS concernant les sorties du territoire de femmes mariées. .oui c’est assez choquant pour nous françaises. .un atteinte à nos libertés, mais malheureusement la bas c’est ainsi et il vaut mieux le savoir avant de s’y installer. .donc encore un.plus pour les futures expatriees!
    Bravo pour ton article et merci de nous faire découvrir un univers bien différent du nôtre. .pour ma part cependant, je reste trop indépendante pour le soumettre à certaines « regles » que j’estime discriminatoire pour les femmes..mais ca cela n’engage que moi…☺

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  3. Bonsoir Sweetflamantrose, je rejoins l’avis général, ton article est vraiment intéressant. On se rend bien compte que l’épanouissement professionnel en tant que femme n’est pas une tâche aisée et d’autant plus à l’étranger, dans un pays où la culture et les mœurs sont à l’opposé de nous ! Quelque soit son statut, en tant que femme, on n’a besoin de s’épanouir, d’être indépendante et libre. C’est très audacieux de se réinventer quand on est loin de chez soi ;o) Bises à toi et à bientôt ❤

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  4. hummm « avoir un sponsor » qui te donne le « droit » de sortir ou non du territoire… Je suis un peu choquée dis donc… heureusement que tu peux « choisir » ton mari et heureusement qu’il ne répond pas « non » ! Je trouve cela intéressant de voir comment cela se passe ailleurs. Moi qui me plaignait de pas trouver tout de suite et pourtant cela est plus simple pour moi en étant en Europe. Je te souhaite beaucoup de courage (tu en as déjà énormément mais je t’en donne encore plus) !!!

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  5. Ton article est intéressant. Il montre bien les différences culturelles. C’est sûr que partir et travailler à l’étranger demande une grande adaptation.

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